L'intimité d'Alice Ferney

 

Alice Ferney, est une maîtresse de conférences, spécialisée en microéconomie. Ecrivaine, féministe,  elle évoque souvent les thèmes de la différence des sexes, la maternité et le sentiment amoureux.

Ce roman entrecroise les destins et vies de divers personnages, dont les prénoms commencent souvent par A Un couple, Alexandre et Ada va avoir un enfant. La mort d'Ada va bouleverser ces vies : la voisine Sandra, libraire, féministe et indépendante, qui ne veut pas d'enfant, va s'attacher aux  enfants d'Alexandre et d'Ada, Alexandre va rencontrer Alba, qu'il épouse bien que celle ci soit asexuelle, Alba, rigide, souhaite être mère, comment ? Pourquoi ?...

Ce livre est perçu en deux parties : le début, plutôt roman et la suite, la présentation de thèses portées par les divers personnages d'où certains comportements caricaturaux.

Il a donc suscité beaucoup de questionnements et de débats sur des sujets sociétaux, autour du choix de la maternité et de la paternité, de la sexualité & de l’asexualité, de la procréation médicalement assistée et de la gestation pour autrui, des rapports hommes / des femmes, de la filiation...

Un peu indigeste et trop long pour certaines...mais toutes reconnaissent la qualité de l'écriture, toutefois qualifiée de froide et descriptive, et le côté très documenté de l'ouvrage sur tous ces sujets.

Roman ou documentaire ?

Ce livre ne parle pas d'amour, on  ressent peu d’émotions ou de sentiments et les lectrices déplorent que les enfants ne soient pas reconnus en tant que personnes.

Certaines ont trouvé cette lecture  passionnante, d'autres ont qualifié le livre de gênant, perturbant.

Beaucoup ont décortiqué les personnages « porteurs de thèses », en indiquant leurs incohérences.: la seule qui emporte l'adhésion est Sandra, qui apparaît réellement libre dans ses choix.

La conclusion du livre est apparue décalée, toutes ne l'ont pas ressentie de la même façon.

L'Intimité - 1

 

Là où chantent les écrevisses de Delia Owens

Delia Owens est une écrivaine et zoologiste américaine. » Là où chantent les écrevisses » est son seul roman, qui, suite à son grand succès, a été adapté en film. Ses autres ouvrages ne sont pas des fictions.

 L'action se situe dans les marais de la Caroline du Nord. L'histoire entremêle celle de l'enfance isolée et de la vie d'une femme, Kya dans ces marais et celle de l'enquête sur le meurtre perpétré contre Chase, un des habitants de la ville voisine, dont Kya est accusée puis disculpée. Kya est abandonnée au fur et à mesure par tous les membres de sa famille, doit survivre seule et développe une connaissance exceptionnelle du milieu dans lequel elle vit au point de devenir une écrivaine éthologue reconnue.

Elle est confrontée aux préjugés des habitants qui la surnomment « la fille du marais ». Mais, elle rencontre des personnages attachants : Jumpin et Mable, Tate l'amoureux, l'éditeur, l'avocat qui vont l'aider et Chase plus ambigu et représentant une menace.

Ce roman a plu à pratiquement l'ensemble des lectrices : certaines en ont été enthousiasmées, par son côté merveilleux (« coup de cœur »), d'autres, plus pragmatiques, ont été gênées par le côté invraisemblable de certaines situations (l’analphabète qui devient pratiquement seule une savante, l'abandon familial..) et l'ont lu en l’appréhendant comme un conte, une belle histoire non réaliste. Certaines ont adhéré totalement à la personnalité de Kya, au point de défendre la totalité de ses actes « elle choisit la vie » et ont admiré son parcours atypique. Toutes ont aimé les descriptions de la Nature, le marais, dans lequel Kya puise les ressources pour survivre, qui devient un personnage propre, la poésie du texte, l'ode à la vie, la découverte des personnages autour de Kya.

Dans ces deux histoires qui s’entrecroisent, apparaissent les thèmes du racisme, du rejet de la différence, la solitude, le poids de la société, la résilience de l'enfance. Toutefois, certaines ont été gênées par l'histoire du meurtre et du procès, décalés par rapport au reste du roman et où l’héroïne apparaît absente, asociale. Pour d'autres, la violence était sous-jacente et devait éclater, comme dans la nature qui contient des formes de violence. La fin du roman dévoile la vérité sur le meurtre de Chase, en véritable surprise et cela a pu être perçu comme rompant l'harmonie du roman. 

 

Pour compléter le roman, une séance de diffusion du film éponyme s'est déroulée la semaine suivante pour le groupe de lectures partagées.

 

Là où chantent les écrevisses - 1

 

 

 

Le vendredi 23 février a eu lieu la LECTURE AU SABLIER
 
L'objectif était :
 
LIRE A VOIX HAUTE les mots que vous aimez, textes, poèmes, chansons, rap, slam, ...
ECOUTER les mots des autres en vous laissant bercer, émouvoir, bousculer
PARTAGER ce moment de convivialité
 
La Médiathèque, en la présence de Clément et Jean-François, a accueilli une trentaine de personnes, dont 10 lecteurs + Omar Youssef Souleimane, écrivain en résidence à Mouans-Sartoux, qui nous a lu un extrait de son dernier ouvrage "être français".
Joëlle Cecchini, directrice de l'école de musique Lucien Galliano, avait invité Emmanuela à jouer au piano quelques intermèdes musicaux entre 2 lectures. Elle nous a fait le plaisir de jouer un très joli morceau écrit par Richard Galliano, "Camille", à la fin de la soirée.
 
Les lectures ont été très variées, bien rythmées par un beau sablier jaune, et le public  a apprécié cette diversité de textes et de voix.
 
 
 
 
 
 
 LES ROMANS DE MICHELE PEDINIELLI
 "Boccanera" , "après les chiens", "la patience de l'immortelle", "sans collier"

Michèle Pedinielli, d'origine niçoise et corse, journaliste, s'est spécialisée dans le roman policier. Ses ouvrages sont : – Boccanera, – Après les chiens, – La patience de l'immortelle, – Sans collier.

On y retrouve la même héroïne Ghjulia « Diou » Boccanera, détective privée, la cinquantaine, forte personnalité qui vit à Nice et divers personnages récurrents.

 Présentation des romans :

Dans « Boccanera », l'enquête se déroule à Nice et aborde les thèmes de la spéculation immobilière et la corruption, notamment.

« Après les chiens » mêle deux enquêtes, traitant de la situation des réfugiés et des militants humanitaires qui les aident à la frontière franco-italienne.

« La Patience de l'immortelle » se déroule en Corse.

Dans « Sans collier », Boccanera fait face à un retour des années de plomb italiennes et toujours de la spéculation immobilière à Nice.

 Dans l'ensemble, les lectrices ont trouvé le style plaisant, léger, la lecture facile, même si quelques unes n'ont pas vraiment apprécié le personnage principal et l’ambiance générale, et ont trouvé les intrigues policières à la limite de la vraisemblance. Beaucoup ont vu dans l'écriture, un style pouvant permettre une adaptation en téléfilms, voire même en bande dessinée. Notamment dans Boccanera, le personnage principal est la ville de Nice ce qui a intéressé à la fois les « natives» qui ont retrouvé des repères géographiques, historiques ou culturels communs avec l'autrice et celles qui ont découvert cette ville, de manière originale.

Ce côté « folklore », qui reflète les traditions et la manière de vivre des niçois du quartier du Port et de la vieille ville, a pu être à la fois apprécié pour son caractère "témoignage" et gênant pour d'autres  qui se référent à d'autres auteurs régionaux. Le côté répétitif de thématiques telles que le café ou la ménopause, qui font partie du personnage de Diou, a été reçu différemment selon les lectrices : soit montrant un côté plus "réaliste" du personnage (femme dans la cinquantaine, insomniaque et révoltée), soit provocant un certain agacement pour d'autres ... Pour celles qui ont lu plusieurs ouvrages, la préférence semble aller à « La patience de l’immortelle », qualifié de mieux écrit et de plus travaillé, qui n'évite pas les clichés sur les corses mais  montre certaines pratiques actuelles pas toujours souhaitables.

 

Numéro deux de David Foenkinos 
 
Les lectrices reconnaissent l’originalité de l'auteur qui change de registre à chaque ouvrage (Charlotte, Le mystère Henri Pick...).
 
Présentation du roman :
 
Il s'agit d'une histoire inventée des suites du casting pour le rôle d' Harry Potter et la vie de celui qui n'a pas été retenu pour le rôle, Martin Hill. Il ne peut surmonter son échec, d'autant que sa vie familiale n'est pas en équilibre et qu'il ne peut échapper aux sucés mondial des romans et des films.
 
Commentaires :
 
Toutes les personnes reconnaissent le style fluide & léger, le rythme du roman, la qualité de l' écriture & des pointes d'humour. C'est un livre léger mais qui, au delà de l’histoire d'un casting, pose les questions de comment surmonter une épreuve, un échec ? Existe t' il une 2° chance ? Les thèmes ont paru intéressants à toutes. Les réserves négatives ont porté sur le caractère du héros : pas d'empathie pour lui qui ne se relève pas de son échec, personnalité non crédible, ( brillant sans faire d'études), la fin trop belle pour être vraie ou sur le côté facile « air du temps » du livre. Mais, d'autres se sont sentis en empathie avec les personnages, notamment par rapport aux épreuves traversées par Martin, fragilisé par l'échec et le contexte familial. 

 

 

La liberté au pied des oliviers – Rosa Ventrella

 

ROSA VENTRELLA

Auteure italienne née à Bari (Pouilles) en 1974

Editrice et journaliste

1er roman en 2018

Ses trois premiers romans se passent dans la région des Pouilles (sud de l’Italie) et traitent des mêmes sujets :

Misère sociale / patriarcat / violence des conditions de vie et familiales /blessures du passé/déterminisme social / fatalité

Ce sont des peintures de la société italienne  au XXIème siècle et sans doute une «psychothérapie »  de son enfance ..

 

LA LIBERTE AU PIED DES OLIVIERS ou LA MALALEGNA

Le titre original italien nous a semblé mieux correspondre au roman (médisance, rumeurs, commérages ..)

L’histoire se passe dans un petit village du sud de l’Italie où des paysans misérables travaillent sur les terres arides appartenant à un riche famille noble

Entre 1940 et fin des années 1950, donc les protagonistes vont traverser et subir la 2nde guerre mondiale (pour rappel en 1940 Mussolini entre en guerre aux côtés de l’Allemagne nazie puis en 1943 à sa destitution Italie rejoindra les alliés) puis les rébellions paysannes contre la féodalité (en 1953 paysans obtiendront un petit lopin de terre)

C’est l’histoire d’une famille paysanne pendant ces périodes difficiles, principalement des 2 sœurs , proches mais de caractère opposé

L’histoire est racontée par la sœur ainée Teresa (discrète, timide, spectatrice) ; le récit commence par la fin (mort de la jeune sœur Angelina , impertinente, rêveuse, exhubérante) et montre le cheminement des évènements jusqu’au drame

C’est le ressenti d’une enfant dans ce petit village où tout le monde se connait et se surveille et où sa famille est à part du fait de la grande beauté de sa mère (puis de sa sœur) : poids du regard des autres, jalousies, hontes dans le « huit clos » de ce village , raconté comme une légende (croyances…)

Thèmes abordés :

Déterminisme social / liberté/ fatalité

Violence des conditions de vie : féodalité / patriarcat /misère/

Le paradoxe de la Beauté pour une femme à cette époque et dans ces conditions : arme et/ou malédiction

Difficultés de changer de classe sociale pour les femmes

Peut-on quitter ou échapper à la misère … et à quel prix ?

Sommes nous libres de choisir notre existence ? ou nous adaptons nous aux évènements ?

DISCUSSION sur ce livre

Majoritairement livre apprécié :

Facile à lire , beauté de la narration à la 1ère personne, écrit comme un conte, une légende mais réaliste et assez sombre ( peu d’espoir dans ce livre)

Récit poignant, nostalgique, familles aux liens forts même si amour mal exprimé

Personnages bien décrits, immersion dans le village grâce aux descriptions

Discussion/ critique sur le fait de commencer par la fin (drame) d’où évènements attendus pour certaines participantes

Quelques lectrices disent ne pas être « entrées » dans l’histoire , trouvée parfois peu crédible ((surprenant mariage entre classes sociales opposées) avec peu d’empathie pour les personnages

Il manque certaines parties du « puzzle » :

Accueil d’Angelina dans la maison du Comte ? pas de personnage féminin dans la maison ?

Mode de suicide étonnant

Peu de détail sur vie quotidienne des sœurs : école ? école religieuse ? comment savent elles lire ?

Pas d’explication sur la narratrice : comment Teresa a-t-elle réussi à partir de ce village , a-t-elle fait des études, comment, où, avec quelle aide (scolarisation de masse en 1950)  … ?

Au final, beaucoup de thèmes abordés (déterminisme social difficile, machisme et patriarcat italiens) récit poignant (fatalité ?), mode d’écriture original (ressenti du jugement des autres par une enfant) , belle langue.

La Liberté au pied des oliviers - 1

 

 

 

"L’autre moitié de soi" de Brit Bennett

 

Brit Bennett , née en 1990 à Oceanside en Californie, est une écrivaine féministe afro-américaine.

« L’autre moitié de soi » est son deuxième roman, où on retrouve les thèmes récurrents de l’anti racisme, du droit à la différence, de la recherche d’identité.

Globalement apprécié, le roman a malgré tout suggéré des points de vues différents.

L’écriture est facile et ce roman de quelques 400 pages s’est lu plutôt aisément.

Sa construction aide également à susciter l’intérêt, passant d’un personnage à l’autre, du présent au passé, la première partie a semblé plus intéressante, car la seconde moins construite a laissé place à des longueurs.

Identité : Peut-on vivre heureux avec une fausse identité, en reniant ses racines, sa couleur de peau, son sexe, sa famille ?

Le personnage de Stella a été l’objet de beaucoup de questionnements, personnage fort qui ne se dépare jamais de sa volonté d’être quelqu’un d’autre que ce qu’elle est. Quelle force de caractère faut-il pour se reconstruire, quelle souffrance endure t’elle afin de cacher ses origines?

Elle fait écho au personnage de Marthe Bonnard que nous avons découvert dans « L’indolente » de Francoise Cloarec.

Jude, deuxième génération, totalement opposée, complique son existence en tombant amoureuse d’une personne transgenre, ce qui a fait penser que l’auteur avait compilé quelques profils caricaturaux, ajoutant au racisme, la problématique de l’identité de genre.

L'autre moitié de soi - 1

 

 

 

 Les deux coups de coeur de la saison 2022/2023

 Notre dernière réunion de la saison a eu lieu le 12 juin, dans le Parc du Château, à l'ombre de ses grands arbres.

Un bilan a été fait de l'année écoulée. Un sondage a mis en évidence que les deux romans les plus appréciés par nos lectrices cette année étaient :

"Âme brisée" de Akira Mizubayashi  et "Héritage" de Miguel Bonnefoy.

 

"Héritage"    de Miguel Bonnefoy

Miguel Bonnefoy est né à Paris en 1986 de père chilien et de mère vénézuélienne.

Bien que franco-vénézuélien et écrivant en français, Miguel Bonnefoy a l’écriture fleurie, réaliste, imaginative des écrivains sud-américains, avec des personnages nombreux et hors du commun.

Ce roman se déroule entre la France et le Chili.

C’est une saga, 4 générations en 200 pages, l’auteur a le sens de l’ellipse.

Côté historique : des événements qu’on connaît, Allende, Pinochet, mais aussi des parties de l’histoire du Chili peu connues des européens, comme celle des Mapuche et l’installation des français et des allemands au 19ème siècle.

Côté onirique : réalisme magique, avec des personnages exceptionnels, hauts en couleur, et des situations excentriques, absolument irréalistes mais auxquelles on a envie d’adhérer. Personnages ayant réellement existé : Ilario Da, père de Miguel Bonnefoy et Vénézuela, sa mère.

Les points positifs :

la construction du roman qui nous fait passer d’une histoire à l’autre contribue à l’envie de poursuivre. Ce n’est pas toujours réaliste mais il faut du lâcher-prise pour se laisser embarquer sur cette croisière qui éveille les sens.

Le style d’écriture est riche et captivant, beaucoup de belles phrases poétiques avec un humour sous-jacent.

Quelques remarques :

les personnages peuvent ne pas susciter l’empathie car les sentiments ne sont pas exprimés. Le grand nombre de personnages a pu embrouiller et déstabiliser mais Margot a semblé rassembler autour d’elle les moins enthousiastes.

Miguel Bonnefoy est un conteur qui réussit à nous embarquer avec plaisir et émotion. C’était une belle découverte.

Héritage - 1

 

 

 

"Jusqu'à ce que la mort nous unisse"

 

Karine Giebel, juriste de profession, est une autrice française, principalement de 8 romans policiers/ thrillers psychologiques.

Le roman se situe dans le parc du Mercantour où un guide enquête sur la mort, qu'il refuse de croire accidentelle, de son ami, garde du parc. Aidé d'une gendarme, il va mettre à jour une série d'intrigues, qui engendre violences et retournements de situations. En parallèle, se dessinent petit à petit les personnalités des différents protagonistes, et leurs secrets se révèlent. Il a fait l'objet d'une adaptation télévisuelle.

Les avis sont variés et ne sont pas forcément liés au fait d'aimer les polars ou ne pas en lire habituellement. La question est posée de savoir si l'intérêt du livre réside dans le côté polar (enquête, suspense…) ou l'aspect thriller psychologique ( analyse des caractères, intensité dramatique…). Toutes les lectrices ont lu le livre en intégralité, pour connaître le dénouement, même si, pour certaines, le titre en était révélateur. Il se lit facilement, de manière fluide, sans grande recherche de style. Le côté «régional» des lieux mentionnés a plu. Beaucoup ont noté des incohérences, des «ficelles« un peu grossières dans l'intrigue et des éléments devinés avant leur révélation. Celles qui n'ont pas aimé le livre ne sont pas senties touchées par l'intrigue et/ou les personnages caricaturaux. L'image du roman photo a été utilisée.

Ce livre a été qualifié comme appartenant à la littérature populaire, accessible à tous et déclenchant des émotions diverses, autour de l'amour, la peur, la haine…Marquant au moment de la lecture sans laisser forcément de souvenir à long terme. Celles qui l'ont apprécié ont souligné l'intérêt de l'analyse de la nature humaine et sa psychologie, l’ambiguïté de ces personnages qui ont tous un côté trouble ou caché, le thème de l'enfermement qui transparaît dans tous ces secrets, l'intégration de la montagne comme un personnage à part entière, le rythme soutenu qui conduit au dénouement…

Ses dernier romans ont été évoqués par les lectrices : - Toutes blessent la dernière tue, Belfond, 2018 sur l'esclavage moderne - Ce que tu as fait de moi, Belfond, 2019 sur une passion destructrice ou un rapport emprise/ domination. - Glen Affric, Plon, 2021, autour d'un trisomique. Celles, qui en ont lu certains, estiment leur atmosphère beaucoup plus dure que celle de « Jusqu'à ce que la mort nous unisse » mais les avis demeurent similaires : celles qui ont aimé l'un ont aimé les autres et inversement.

 

Jusqu'à ce que la mort nous unisse - 1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

"Les années" de Annie Ernaux

 

Toutes les participantes à cet échange ont eu accès au discours d’Annie Ernaux lors de sa réception à Stockholm, pour l’attribution du prix Nobel de littérature, le 12 décembre 2022 où elle affirme écrire pour « venger sa race ».

Elle entre en matière par une question : « Par où commencer ?».

Nous avons envie d’entamer ce compte-rendu par la même interrogation, tellement les avis sont partagés, allant de « j’ai adoré » à « je n’ai pas aimé, jusqu’au bout » en passant par « j’ai eu du mal à y entrer mais j’y ai trouvé de l’intérêt ». Constat d’une gêne provoquée par le choix de l’auteur d’une écriture plate qui n’exprime pas ses émotions. Autre gêne plusieurs fois exprimée, sur le thème récurrent de son œuvre : la honte de ses origines. Alors qu’elle a vécu dans un milieu de petits commerçants et qu’elle a été aimée par ses parents et qu’elle les a aimés, elle se pose en « transfuge de classe », entrée par ses choix de vie dans le monde de la bourgeoisie Elle dira plus tard « avoir honte de sa honte ».

Ce qui est apprécié par beaucoup c’est le travail extraordinaire du récit détaillé, chronologique, des évènements vécus, illustrés par des descriptions de photos, des récits de réunion de famille, des détails du quotidien où l’on se retrouve volontiers, au cœur d’une fresque historique qui sert de toile de fond au récit, de 1941 à 2008.

La force de son écriture et la finesse de son analyse arrivent à toucher intimement.

Pour certaines lectrices, elle pose la question de « qu’avons-nous fait de nos vies ? », ce qui est ressenti comme déprimant. 

L’auteure est perçue comme une femme révoltée toujours en colère et en lutte, en réponse à la violence de la société qu’elle dénonce en permanence.

Bien qu’elle ait bénéficié, par l’attribution du prix Nobel d’une reconnaissance exceptionnelle de son talent d’écrivaine, certains mettent en doute sa légitimité.

Ce fut une séance d’échanges animée au cours de laquelle chacune a pu s’exprimer !

Le livre "Les cahiers de l'Erne" édition spéciale Annie Ernaux a été conseillé pour plus de témoignages et d'avis sur la personnalité de cette auteure.

 

  Les Années de Annie Ernaux - Grand Format - Livre - Decitre 

 

 

"le cerf-volant" de Lætitia Colombani

 

Laetitia Colombani est une écrivaine française mais aussi une scénariste et réalisatrice, dont le groupe avait beaucoup apprécié « La tresse ».

C'est l'histoire entremêlée de trois femmes et leur rencontre :
- Lena, professeure française, en deuil, qui se réfugie dans le Golfe du Bengale en Inde et qui va s'investir dans la mise en place d'une école pour les intouchables,
- Latifa, la petite fille intouchable qui ne parle plus mais a soif d'apprendre et va sauver la vie de Léna,
- Pretti, jeune fille en révolte qui forme d'autres filles contre les agressions et les organise en brigades de défense.

Ce livre n'a pas séduit par ses qualités littéraires : beaucoup trouvent que ce livre va vers des facilités, présente des incohérences et mêle l'aspect romancé à un aspect plus documentaire sans parvenir à avoir un style propre. Il réitère la structure du livre « La tresse » sans séduire autant. Les lectrices déplorent un manque d'exigence littéraire. Les personnages sont assez caricaturaux. Mais elles reconnaissent que cela ferait un très bon scénario de film.


Malgré cela, certaines lectrices se sont déclarées touchées, par cette histoire «pleine de bons sentiments».


Le cerf volant pourrait être une métaphore de l'élévation de l'esprit par l' éducation.


Le mérite de ce roman est de mettre en lumière des thèmes forts comme la condition féminine en Inde, la situation des intouchables, malgré l'abolition juridique des castes, les discriminations, l'hindouisme, l'engagement des occidentaux auprès de ces populations, la misère, l'espoir porté par les nouvelles générations (représentées par Pretti) …


Les débats autour de ce livre ont davantage porté sur les thèmes évoqués que sur le livre lui même, grâce à des témoignages de voyage et des échanges très fructueux d'informations.

Le cerf-volant - 1

 

 

 

" Âme brisée"  de Akira Mizubayashi

 Ce livre a été majoritairement très apprécié. Les lecteurs ont été touchés par l’histoire de ce
violon piétiné par la brutalité d’un soldat pendant la guerre sino-japonaise en 1938.


Tout le livre se construit autour de la résurrection de cet instrument et de la reconstruction du personnage principal qui ne s’autorisera à s’épanouir et à vivre son amour qu’après avoir redonné vie à ce violon. Cette reconstruction permettra également à des
hommes et des femmes qui ont vécu les traumatismes liés à cette guerre et à cette histoire, autres âmes brisées, de combler le vide dû à la séparation et à l’éloignement.


La musique prend une place essentielle dans ce récit. L’auteur nous fait partager son expertise musicale en nous faisant écouter les œuvres
citées. Chaque chapitre a pour titre le nom d’un mouvement musical, ce qui donne un rythme au récit.


Akira Mizubayashi nous fait découvrir le monde merveilleux de la fabrication de ces violons d’exception,  célébrés dans le monde entier, le monde des luthiers et des archetiers. Il nous invite à la fois à une réflexion sur le pouvoir de la musique, sur la transmission de la mémoire, sur la cruauté des guerres et sur la beauté de certaines âmes.


Même si parfois la pudeur de l’auteur (peut-être très japonaise ?) empêche le lecteur de vivre à fond certaines émotions, même si quelquefois tout s’enchaîne avec un peu trop de perfection, chacun pourra s’interroger sur les valeurs lumineuses qui animent Akira Mizubayashi dans un monde où les guerres se répètent depuis la nuit des temps.

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« La controverse de Valladolid » de Jean Claude Carrière

Ce « roman historique » met  en scène une controverse qui a réellement eu lieu mais sans doute  de manière épistolaire entre, notamment, deux intervenants : le dominicain Las Casas, défenseur du droit des indiens, l'homme de terrain qui s'est rendu plusieurs fois en Amériques et le philosophe Sepùlveda, l'homme de bibliothèque.

Ce débat politique et religieux, qui s'est déroulé en Espagne au milieu du XVI° siècle  a permis  de fixer   les règles de colonisation et de conversion des Amérindiens.

Suivant la doctrine de l'Eglise et de l'Empire, les deux protagonistes reconnaissent une âme humaine aux Indiens et la nécessité de la sauver. Mais, si Las Casas met en avant les massacres perpétrés contre ces peuples, Sepùlveda argumente sur les peuples esclaves.

D'après l'auteur, le jugement final a conduit à la déportation des africains comme main d’œuvre, ce qui n'est pas rigoureusement exact. Mais le texte est fort, la présentation des positionnements de l'Eglise, des pouvoirs en place, la force des arguments rendent cette lecture très intéressante.

Le roman est découpé de façon très scénique. La version pièce de théâtre comporte moins de parties mais suit la même trame avec des moments de violence, de surprise, de farce...Le style est agréable et vivant.

« Cannibale »  de Didier Daeninckx

Ce roman entrecroise deux époques différentes : les années 1990 de la révolte des Kanaks en Nouvelle Calédonie et un épisode lié à l’Exposition Coloniale de 1931 à Paris.

Gocéné, l'ancien,  raconte aux jeunes rebelles qui tiennent un barrage routier, comment il a été embarqué vers Paris, avec cent autres kanaks et exposé au zoo de Vincennes comme représentant d'un peuple cannibale. Certains d'entre eux ont même été «prêtés» à un cirque en Allemagne en échange de crocodiles, le temps de l' Exposition. C'est tout un périple dans un Paris inconnu pour lui et son ami de tenter de retrouver ceux qui sont partis en Allemagne.

Ce récit mêle des épisodes cocasses (la découverte du métro) des actes de violence, mais aussi quelques uns de solidarité.

Ce roman,  qui s'appuie davantage sur la réalité historique, est perçu comme fort, et sa lecture est plaisante.

 

Les thèmes évoqués dans ces deux romans sont toujours fortement d'actualité : racisme, délit de faciès, asservissement, esclavage moderne...

Les guerres de conquêtes ne peuvent pas être des guerres justes, même sous l'angle de l’Évangélisation, puisqu'elles asservissent les autochtones, souvent de matière très brutale.

L'Exposition Coloniale avait pour but de présenter les réussites du colonialisme et de permettre aux européens de découvrir d'autres horizons et cultures mais comment peut on exposer des être humains dans un zoo ?

Pourquoi l'homme blanc est il présenté comme une référence ?

Pourquoi hiérarchiser les différences entre les humains ?

Ces deux livres conduisent forcément à s'interroger sur la nature humaine....

                   

 

 

Trois romans de Stéphane Carlier 

"L'enterrement" et "le chien de Madame Halberstadt" sont de vraies comédies et leur lecture a été ressentie comme agréable, facile, distrayante. Les personnages sont pleins de fantaisie, et certains sont loufoques ou proches de la caricature. Les situations, cocasses, et les retournements de situation rendent le texte vivant, amusant et on sourit souvent. De l’avis général, ils pourraient faire l’objet d’un film ou d’une pièce de théâtre.

«Clara lit Proust » va plus loin qu’une simple comédie. Ce roman nous fait toucher du doigt ce que la littérature, en l’occurrence celle de « à la recherche du temps perdu » de Proust, peut apporter ou changer dans une vie un peu routinière, sans a priori de condition sociale ou de niveau d’études. Il reprend aussi les thèmes des deux autres romans : l’argent, la famille, l’homosexualité, la transsexualité, le changement dans tous les domaines. Peut-être un conte de fée moderne ?

Dans ses trois romans, Stéphane Carlier, à travers ses observations très fines du genre humain, met en avant la chaleur des relations humaines, la tendresse et la profondeur des sentiments. Il écrit des moments vrais de la vraie vie, qui mettent en jeu des « vrais gens ».

Sa présence, en deuxième partie de la réunion, nous a permis d’approcher le cheminement de l’écriture, de découvrir les sources d’inspiration et de pénétrer dans les coulisses du roman.

 

Amélie Nothomb, son oeuvre

 L'impression générale de cette œuvre est qu'elle se voit comme un patchwork qui représente des aspects
divers de sa personnalité et de sa vie. Elle utilise un ou plusieurs éléments biographiques, des épisodes de sa
vie mêlés aux parties romancées. Elle demeure difficile à cerner.

Mais, si toutes les participantes reconnaissent la grande qualité littéraire de ses textes, son érudition,
l'originalité des thèmes, son humour, sa dérision et sa causticité, elles ressentent une frustration d'émotions
face à ces textes qui ne les touchent pas, sauf lors de (trop) brefs passages.
Ses ouvrages sont courts et se lisent facilement, avec plaisir et rapidement. Mais les lectrices reconnaissent
les oublier facilement également et l'abondance de titres n'aident pas à les garder en mémoire.
Un de ses lecteurs/correspondants lui a écrit que ses romans ressemblaient à des coupes de champagne
(dont elle est très amatrice!) : légers, pétillants… mais qui laissent peu de traces.